Chaîne de blocs, industries culturelles et centres d’artistes
La technologie
Dans la dernière année au Canada, plusieurs initiatives qui visent à intégrer la chaîne de blocs (blockchain en anglais) aux activités de divers secteurs de la culture ont pris forme. Il s’agit donc d’un bon moment pour faire le point sur cette technologie et mettre en valeur les initiatives émergeants du milieu des centres d’artistes. La chaîne de bloc est une «base de données distribuée et sécurisée, dans laquelle sont stockées chronologiquement, sous forme de blocs liés les uns aux autres, les transactions successives effectuées entre ses utilisateurs depuis sa création» (Office québécois de la langue française, 2017). C’est-à-dire qu’il s’agit d’un registre numérique distribué à travers un réseau d’ordinateurs, dans lequel sont consignées des informations de nature transactionnelle. Chaque entrée dans la base de données forme un nouveau bloc dans la chaîne et chaque nouveau bloc doit être vérifié et validé. Cette vérification consiste en la résolution de problèmes mathématiques complexes demandant la puissance de calcul de tout un réseau d’ordinateurs : c’est le principe de la cryptographie distribuée. Ce système garantit qu’aucun maillon de la chaîne n’ait été altéré et que chaque nouveau maillon s’intègre logiquement à la chaîne.
Les cryptomonnaies, telles que le Bitcoin ou l’Ether, sont une application bien connue de la chaîne de blocs. Cette technologie peut toutefois être utilisée à d’autres fins : gestion de droits d’auteurs, formalisation de «contrats intelligents», financement participatif, etc. Précisons toutefois, comme le fait Manuel Badel dans son rapport pour le FMC et Téléfilm Canada, que la chaîne de bloc est un registre et non un entrepôt. Des informations peuvent y être consignées, mais des contenus médiatiques (film, image, fichier audio) ne peuvent y être entreposés. Par exemple, un bloc dans la chaîne pourrait définir la propriété intellectuelle d’une oeuvre, l’identité d’un acheteur, le montant d’une transaction, mais ce même bloc ne contiendra pas l’oeuvre en elle-même.
Les applications en culture
Au Canada, les mondes de l’édition (Copibec et Scenarex), de la musique (Smartsplit) et des arts visuels (le registre d’attribution et le «passeport» développés par Prescient avec le RAAV et CARFAC) explorent les applications possibles de cette technologie dans des optiques de commercialisation et de gestion des droits d’auteurs.
Du côté des centres d’artistes autogérés, deux initiatives de recherche et d’exploration ont été financées lors du concours 2017-2018 du Fonds stratégie numérique du Conseil des arts du Canada.
221A, à Vancouver, propose Chaîne de blocs et cadenas culturels, un programme de recherche sur trois ans (2019-2022) visant le développement des capacités du secteur et l’implémentation de la technologie des chaînes de blocs à différents cas d’utilisation culturels, sociaux et écologiques. Les trois phases de l’initiative s’articulent autour d’un principe d’équité et la volonté d’interroger les enjeux sociaux, culturels, éthiques et moraux de la chaîne de blocs.
Au Québec, le centre Bang s’associe à la Bande Sonimage, au centre de production en art actuel TOUTTOUT, aux Productions Caravane Films, au Centre d’Expérimentation Musicale, au centre d’artistes Le LOBE et aux éditions OQP pour développer un outil d’organisation autonome décentralisée, Plateforme DAO, sur la base d’une technologie de chaîne de blocs. Le projet pilote vise à favoriser l’autogestion et la collaboration dans le cadre de partenariats impliquant un grand nombre de parties. À terme, cet outil pourrait être adopté par de nombreux organismes artistiques canadiens.
Il sera intéressant de suivre les développement de l’ensemble de ces initiatives visant une appropriation de la chaîne de blocs par des groupes d’artistes.
—> Prochaine rubrique : Les leviers de la découvrabilité.
ARCA et l’AGAVF s’associent pour inviter Isabelle L’Heureux, agente de développement numérique pour le Conseil québécois des arts médiatiques (CQAM), le Regroupement des arts interdisciplinaires du Québec (RAIQ), et Le Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec (RCAAQ) à présenter six rubriques sur le thème de la littératie numérique. L’objectif de ces contenus est de sensibiliser et outiller les communautés oeuvrant dans les arts visuels au Canada afin que celles-ci puissent évaluer et saisir les opportunités de création, de diffusion et d’organisation qu’apportent les technologies numériques. Les articles sont diffusés dans notre infolettre mensuelle de décembre 2019 à mai 2020.
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