L’ARCA au Congrès du RCAAQ sur l’économie sociale

Les 6-7 juin, 2013,  Axe Néo-7, Gatineau, Québec – Les membres du RCAAQ se sont réunis à Gatineau les 6 et 7 juin derniers à l’occasion du récent Congrès intitulé Regards sur l’économie sociale et l’autofinancement. Diversité et consolidation – une problématique qui depuis quelques années s’immisce dans les discussions des administrateurs de centres d’artistes du réseau. Le Congrès était précédé de l’AG durant laquelle on a scruté le document de travail intitulé Document d’information : Révision des programmes de subventions de fonctionnement du Conseil des arts du Canada publié en avril dernier sur le blogue de Robert Sirman, le directeur général du Conseil des arts du Canada. Quelques-unes des prémisses soulignées et l’emploi d’un certain langage annoncent un virage culturel qui inquiète les membres. Ils rajoutent qu’il ne faut surtout pas minimiser le virage culturel qui a lieu au Conseil. Parmi ces transformations, on note l’évaluation désormais « compétitive » plutôt que «comparative ».  Sylvie Gilbert, la nouvelle Chef des arts visuels au Conseil des arts du Canada invitée par le RCAAQ a présenté les intentions du CAC parvient quand même à rassurer l’assemblée que le but de la révision du programme de fonctionnement est d’offrir un soutien plus souple en reconnaissance de la diversité grandissante des approches organisationnelles. Dans ce sens, la mission des centres d’artistes – soit celle de soutenir l’expérimentation et la prise de risque – serait celle qui continue de correspondre à la raison d’être originelle du Conseil.

Le Congrès comme tel a débuté avec la conférence d’ouverture de Nancy Neamtan, présidente du Chantier de l’économie sociale, un modèle d’économie sociale qui appartient au vaste secteur du développement économique communautaire. Elle a présenté quelques moyens financiers adaptés au secteur culturel, incluant des investissements de capital « patients », à faibles taux d’intérêts et échelonnés sur plusieurs années, pour financer différentes phases de projets. Une présentation portant sur l’application de l’économie sociale a suivi et offert de bons arguments pour déconstruire les lieux communs qui existent à l’endroit du financement public vs le financement privé et autonome: les entreprises privées ne reçoivent-elles pas des subventions infiniment plus importantes que le secteur à but non lucratif mais qu’on appelle des « contrats »? On suggère les moyens de levées de fonds suivants : location d’équipements et de locaux, vente de publications, événements, moyens couramment employés dans notre milieu mais avec des résultats modestes pour la plupart. Soit, l’économie sociale est plus en phase avec la culture et les valeurs du secteur à but-non-lucratif en misant plus sur les humains que sur les capitaux, et en inscrivant l’économie dans la communauté. Mais, les principes répondent à la même logique de croissance de l’économie régulière, même si ralenti.

Une table ronde modérée par Bastien Gilbert a rassemblé Natalie Chapdelaine du Conseil des arts de Montréal, Louise Hodder, présidente des Ateliers créatifs, un organisme qui milite pour la préservation d’espaces d’ateliers d’artistes accessibles dans les quartiers en voie d’embourgeoisement, Jonathan Demers, directeur d’AxeNéo7, et Stefan St-Laurent, membre du collectif de la Galerie SAW à Ottawa. Tous ont présenté leur approches et expériences respectives du développement économique des artistes et de leurs organismes. Louise Hodder a fait preuve d’une excellente et sensible compréhension des enjeux auxquels font face les artistes. Ses paroles d’encouragement à résister l’impératif entrepreneurial étaient bienvenues. Les témoignages des stratégies de levées de fonds développées par les centres d’artistes de la région et des quelques expériences décevantes de réseautage avec la communauté des jeunes gens d’affaires car il semble que  les jeunes gens d’affaires s’impiquent pour avoir du « fun » pour citer Mme Chapdelaine, chargée de projet au Conseil des arts de Montréal. ARCA en profite pour demander comment son bureau pourrait encourager la communauté des gens d’affaires sincèrement intéressée à connecter avec les arts, à une réciprocité plus équitable? Lorsqu’il est question de relations d’affaires et de partenariats, comment encourager les gens d’affaires à répondre aux efforts d’outreach du secteur des arts en invitant, en contrepartie, des artistes à participer à leurs CA ou groupes de travail? Et comment inciter les gens d’affaires à militer pour l’éducation des arts au scolaire, elle-même avouant se sentir démunie devant une exposition d’art actuel.

Pour terminer, Vincent Bonin, auteur et commissaire d’exposition, est invité à faire un retour sur les quarante dernières années des centres d’artistes autogérés au Québec. Malgré qu’il évoque quelques-uns des paradoxes de notre milieu (dont le principe d’autogestion) et notre complicité dans le maintien de certaines situations inacceptables, les membres apprécient son point de vue critique compris comme étant nécessaire en cette époque caractérisée par une ontologie de la bizness selon le théoricien anglais Mark Fisher.

J’estime que les organisateurs du Congrès (les membres du CA et duo amoureux Julie Tremble & Jonathan Demers et l’équipe solide du RCAAQ) ont réussi leur coup en offrant une diversité de perspectives sur le sujet du financement au moment où les centres sont de plus en plus contraints à concurencer et performer. Gilles Arteau, directeur général et administratif du centre d’artistes Espace F et cofondateur du RCAAQ rajoute que l’objectif est de « dominer » et « arracher » quelque chose aux autres. Il nous demande, en guise de mot de la fin, de considérer comment nos subventions sont, en réalité, des revenus autonomes et de contempler la possibilité de se joindre au secteur communautaire pour militer ensemble pour de meilleurs conditions salariales. Il suggère d’ailleurs que l’économie sociale perpétue malgré elle une économie à deux vitesses qui légitime la précarité en créant une économie de service bon marché au salaire minimum, et ce, principalement dans les secteurs de l’art et du communautaire.

De telles rencontres fournissent un renouveau de confiance quant aux possibilités qui s’offrent à notre réseau de centres d’artistes qui représente une réelle force culturelle et politique qui devra continuer d’affirmer sa place au sein de l’industrie, sans se dénaturer.

Anne Bertrand, juin 2013

Pour écouter : Regards sur l’économie sociale et l’autofinancement. Diversité et consolidation — un congrès du RCAAQ by Réseau Art Actuel