Les leviers de la découvrabilité

Les enjeux de découvrabilité des contenus culturels sur le Web sont au coeur de nombreux débats depuis les derniers mois. La découvrabilité est un concept que l’Office québécois de la langue française définit comme le « [ potentiel pour un contenu, un produit ou un service de capter l’attention d’un internaute de manière à lui faire découvrir des contenus autres ».

 

Les leviers de la découvrabilité

23 janvier 2020

par Isabelle L’Heureux, Digital cultural development officer, Conseil québécois des arts médiatiques (CQAM), Regroupement des arts interdisciplinaires du Québec (RAIQ) et Le Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec (RCAAQ)

Notre piège à clics (clickbait) vous a-t-il incité à ouvrir cette rubrique? Cette ruse, qui consiste à mettre de l’avant des accroches racoleuses, intrigantes et parfois choquantes, est utilisée par plusieurs médias pour augmenter leurs revenus publicitaires en attirant un grand nombre d’internautes sur leurs pages. Notre intention ici est bien différente : il s’agissait plutôt d’attirer votre attention sur ce phénomène bien numérique et peu reluisant pour introduire avec humour notre nouvelle rubrique De la littératie numérique en six capsules! Dans notre deuxième capsule, nous aborderons le thème de la découvrabilité et vous proposerons quelques astuces concrètes — en laissant de côté les pièges à clics — pour favoriser une bonne visibilité de vos contenus en ligne.

 

Définir le concept de découvrabilité

Les enjeux de découvrabilité des contenus culturels sur le Web sont au coeur de nombreux débats depuis les derniers mois. La découvrabilité est un concept que l’Office québécois de la langue française définit comme le « [ potentiel pour un contenu, un produit ou un service de capter l’attention d’un internaute de manière à lui faire découvrir des contenus autres ». Le concept prend une importance particulière lorsqu’il est associé aux enjeux de visibilité d’une diversité d’expressions culturelles face aux contenus promus ou soutenus par les géants du web. Lors des journées d’étude internationales Accès et découvrabilité des contenus culturels francophones à l’ère numérique qui ont eu lieu à Montréal à l’automne 2019, un grand nombre d’intervenants ont abordé la question du bouleversement des industries de la musique et de l’audiovisuel. Comme souligné dans ce billet rédigé pour le Regroupement des arts interdisciplinaires du Québec, on peut faire l’hypothèse que dans le milieu des arts actuels et des centres d’artistes, le bouleversement numérique offre plutôt de nouvelles occasions pour la création, la diffusion et l’animation de nos communautés. Selon nos objectifs, nos intérêts, nos compétences et notre volonté d’apprendre, il nous est possible d’expérimenter de nouvelles manières de faire et de nouveaux outils.

Par ailleurs, le concept de découvrabilité lui-même n’est pas figé dans le béton. Dans leur guide théorique et pratique sur le sujet, Josée Plamondon, bibliothécaire spécialiste des bases de données, et la Fondation Jean-Pierre Perreault ont préféré utiliser l’expression « découverte » plutôt que « découvrabilité ». Ce choix reflète la volonté de réduire les ambiguïtés dans le langage que nous utilisons pour favoriser l’appropriation du concept par le plus grand nombre.

Afin d’illustrer les différents types d’actions qui peuvent être entreprises dans une démarche de découvrabilité, Andrée Harvey et Véronique Marino de La Cogency ainsi que Josée Plamondon ont habilement schématisé le concept en le divisant entre quatre “piliers”. Ces piliers, ou leviers, comportent des stratégies qui ciblent en priorité soit les humains ou les machines et qui s’appliquent soit à court ou à long terme. Les quatre types d’actions seront détaillés ici: 

 

 

Promotion

humain + court terme

Les activités de promotion ne sont pas exclusives au numérique, mais peuvent trouver une expression renouvelée sur le Web. Effectivement, la découvrabilité peut également se travailler dans le monde réel, en organisant des événements tels que des expositions, des causeries ou des 5 à 7 qui permettent de tisser des liens avec une communauté d’intérêt et de sensibiliser de nouvelles personnes aux activités et aux missions de nos organismes.

Certains opteront aussi pour l’organisation de concours sur les réseaux sociaux, par exemple, en organisant un tirage (de billets de spectacle, de livres, etc.) et en invitant les gens à participer en identifiant leurs amis en commentaire ou en partageant leur publication. Cette pratique peut permettre d’élargir notre portée en activant les réseaux amicaux et professionnels des nos membres, amis et abonnés.

 

 

Marketing numérique

humain + long terme

Les activités de marketing numériques, elles aussi, reprennent les processus du marketing traditionnel et les appliquent à l’environnement numérique. Elles comprennent l’achat et le placement de publicités et les campagnes de promotion sur les réseaux sociaux. Les infrastructures du web ont également permis le développement du marketing programmatique, qui tire profit du perfectionnement des algorithme de recommandation et de l’accumulation de données sur les comportements et intérêts des internautes.

Les organismes intéressés peuvent se familiariser avec les plateformes publicitaires de Google, Facebook et Instagram. Il est à noter que les OSBL canadiens peuvent s’inscrire à Techsoup pour avoir accès au service Google Ad Grants et à un budget pour la diffusion d’annonces textuelles d’une valeur de 10 000 USD par mois.

Il est aussi recommandé de prendre le temps d’élaborer et d’évaluer ponctuellement sa stratégie de communication sur les réseaux sociaux en gardant en tête les notions clés de pertinence, d’authenticité et de constance.

 

Optimisation pour les moteurs de recherche (SEO)

machine + court terme

L’optimisation pour les moteurs de recherche ou search engine optimization en anglais regroupe un ensemble de pratiques visant à améliorer le classement d’une page ou un site web dans la liste des résultats d’un moteur de recherche. Ces pratiques doivent constamment s’adapter aux modifications des systèmes des moteurs de recherche. Elles peuvent comprendre, par exemple, un attention particulière à la cohérence des mots-clés qui sont employés sur l’ensemble des pages d’un site Web, une mise en page qui respecte les conventions de balisage html (utiliser les balises de titre [<H1> et <H2>] pour structurer le contenu) et une saine gestion des hyperliens.

Plusieurs ressources gratuites ou peu coûteuses sont à notre disposition pour ces activités d’optimisation. Un grand nombre d’organisations du milieu ont un site web WordPress et il existe plusieurs extensions dédiées au SEO pour cette plateforme. Il est recommandé de se familiariser avec les extensions les plus utilisées et leurs spécificités, puis de comparer les offres afin de choisir celle qui répond le mieux à nos besoins. 

Yoast SEO est une extension largement utilisée, conviviale, gratuite dans sa version de base et qui offre différents outils d’évaluation et d’optimisation des contenus sur WordPress. Cette extension permet aussi l’ajout de données structurées Schema, notion que nous verrons dans la prochaine section.

Google Search Console est un outil qui permet de mesurer la performance d’un site Web en fonction de son classement sur le moteur de recherche Google.

Online Broken Link Checker est un outil qui analyse les hyperliens recensés à une adresse et identifie ceux qui sont brisés afin qu’ils soient rapidement remplacés par des URLs existants.

 

Métadonnées, données structurées, données liées 

machine + long terme

 

Métadonnées

Les métadonnées sont des données qui servent à décrire ou contextualiser d’autres données ou fichiers.

Exemples :

  • Plusieurs métadonnées sont associées automatiquement aux fichiers numériques que nous créons. Ainsi, un tableur Excel pourra avoir comme métadonnées un nom (Budget_2020-2021), un créateur (Employée X), une date de création (2019-11-25), un format (.xlsx), etc.
  • Des métadonnées peuvent également être associées à toute autre type de donnée/contenu. Un membre de centre d’artiste pourra avoir dans la base de données de cette organisation un nom, une date d’adhésion, un statut, etc.

Un contenu sur le web qui est décrit par des métadonnées exactes et interprétables par les machines pourra plus facilement ressortir dans les résultats d’une recherche dans une base de donnée spécialisée (ex. : la collection d’un musée ou d’une bibliothèque), sur un site web ou dans un moteur de recherche.

Un exemple concret de bonne pratique concerne les métadonnées associées aux fichiers image ou vidéo que vous utilisez sur vos pages web. Assurez-vous que les informations associées décrivent bien le contenu de l’image (privilégier un titre explicite plutôt que “image003”) et complétez les champs pertinents dans les formulaires de gestion de contenu.

Exemple tiré d’une fenêtre “image mise de l’avant” sur wordpress, où le champ “Titre” correspond au nom du fichier importé.

 

 

Données structurées

Les données structurées sont un concept aujourd’hui associé principalement à Schema, un balisage développé par un consortium de moteurs de recherche (Google, Microsoft, Yahoo, Yandex) pour organiser et traiter l’information sur une page web. Techniquement, il s’agit d’un vocabulaire qui peut être utilisé dans différents langages de programmation, y compris RDFa et JSON-LD.

Tel que vu plus haut, quelques extensions, comme Yoast SEO et Schema Pro, prennent en charge l’ajout de certaines balises schema sur les sites développés avec WordPress. Ceci eut être avantageux pour les organisations qui ont un site WordPress et n’ont pas d’expertise de programmation au sein de leur équipe permanente.

Ceux qui souhaitent explorer la notion de données structurées d’avantage peuvent également se familiariser avec la technologie grâce à l’outil de test de données structurées et l’outil d’aide au balisage de Google. Les pages 27 à 34 du guide Bien documenter pour favoriser la découverte en ligne présentent ces outils plus en détail.

 

Données liées

Les données liées, finalement, sont un concept associé aux technologies du web sémantique. L’idée générale est d’attribuer un identifiant unique (URI) à chaque donnée diffusée sur le Web et d’utiliser en utilisant des descriptions standards compréhensibles par les machines afin de rendre possible sa mise en relation avec d’autres ensembles de données. Il s’agit d’une technologie dont la mise en œuvre est complexe et peut exiger la collaboration de plusieurs partenaires nationaux ou internationaux. Le portail Europeana est un bon exemple d’un projet de données liées tirées des collections d’institutions patrimoniales européennes. Ceux qui souhaitent approfondir la question sont invités à consulter les pages 35 à 39 du guide Bien documenter pour favoriser la découverte en ligne et à suivre les progrès des initiatives Savoirs communs du cinéma de la Cinémathèque québécoise et Un avenir numérique lié de CAPACOA.

Note: Une Conférence web,  sur le guide Bien documenter pour favoriser la découverte aura lieu le 29 janvier 2020, en Anglais.

 

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ARCA et l’AGAVF s’associent pour inviter Isabelle L’Heureux, agente de développement numérique pour le Conseil québécois des arts médiatiques (CQAM), le Regroupement des arts interdisciplinaires du Québec (RAIQ), et Le Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec (RCAAQ) à présenter six rubriques sur le thème de la littératie numérique. L’objectif de ces contenus est de sensibiliser et outiller les communautés oeuvrant dans les arts visuels au Canada afin que celles-ci puissent évaluer et saisir les opportunités de création, de diffusion et d’organisation qu’apportent les technologies numériques. Les articles sont diffusés dans notre infolettre mensuelle de décembre 2019 à mai 2020.